Observer sans juger

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OBSERVER SANS JUGER

La pleine conscience sur le tapis & au quotidien

Dans un monde où tout s’accélère, où nos journées sont dictées par les notifications, les attentes extérieures et les exigences de performance, il devient de plus en plus difficile de simplement… être. Être présent à soi-même, à ses émotions, à ses sensations. Notre esprit bondit d’une pensée à l’autre, constamment distrait, souvent critique, rarement apaisé. Et même sur le tapis, ce lieu que l’on croyait sanctuaire, le mental bavarde : « Je ne suis pas assez souple », « Je n’y arrive pas », « Ce n’est pas comme sur Instagram… »

Cette voix intérieure, souvent inconsciente, nous coupe de l’essentiel. Elle transforme notre pratique en une nouvelle course vers la performance ou la perfection. Le yoga devient alors un outil de contrôle au lieu d’un chemin de libération. Nous passons plus de temps à corriger, à comparer, à juger qu’à ressentir. Or, c’est justement ce dialogue intérieur — ce flot de jugements — qui nous éloigne de la véritable essence du yoga : l’union, l’accueil, la conscience.

Et s’il existait une autre manière de pratiquer ? Une façon d’aborder chaque posture, chaque souffle, chaque moment de silence, avec curiosité plutôt qu’exigence ? C’est là que la pleine conscience entre en jeu. Observer sans juger. Ni fuir, ni s’attacher. Juste être là, dans son corps, avec bienveillance. Sur le tapis, mais aussi dans la vie.

🌿 Le yoga, un art d’observation avant tout

« Yoga citta vritti nirodhah » – Yoga Sutra I.2

Cette phrase célèbre de Patanjali peut se traduire par : « Le yoga est l’arrêt des fluctuations du mental ». Mais attention, arrêt ne signifie pas suppression brutale ni contrôle tyrannique. Il s’agit plutôt d’une pacification progressive, d’un apaisement qui passe par l’observation consciente.

Dans ce sens, le yoga est une invitation à regarder en soi avec lucidité et douceur. Il ne s’agit pas tant d’atteindre un idéal corporel ou spirituel que de cultiver une qualité de regard : un regard honnête, curieux, et non jugeant.

🧘‍♀️ Asanas : Un laboratoire d’introspection

Ce que le corps nous révèle…

Lorsque nous entrons dans une posture de yoga (asana), une multitude d’informations surgissent : tensions, résistances, émotions, pensées. La posture agit comme un miroir. Et ce miroir, loin d’être plat et neutre, nous confronte souvent à nos schémas habituels : la lutte, l’évitement, le perfectionnisme, le découragement…

Prenons l’exemple de la posture de la pince (Paschimottanasana). Pour certain(es), c’est une invitation à se déposer, à lâcher prise. Pour d’autres, elle déclenche une avalanche de jugements : « Je n’arrive pas à toucher mes pieds », « Mon ventre me gêne », « Je suis trop raide ». Ces pensées sont autant de portes d’entrée vers une observation plus fine de notre rapport à nous-mêmes.

… si nous savons écouter

La pratique des asanas devient alors un terrain privilégié pour cultiver la pleine conscience. Comment ? En ramenant sans cesse notre attention à l’instant : au souffle, aux appuis, aux sensations. Et surtout, en observant nos réactions sans chercher à les censurer.

« Ce n’est pas ce que je ressens qui est un problème, c’est ce que je pense de ce que je ressens. »

Cette phrase résume bien l’enjeu : il ne s’agit pas d’éliminer les sensations désagréables ou les pensées critiques, mais de ne pas s’y identifier. De les accueillir comme des visiteurs passagers.

🌬️ Pranayama : Le souffle comme guide intérieur

Le souffle est l’un des outils les plus puissants pour revenir à l’instant présent. Il est toujours là, fidèle, discret, à la fois physique et subtil. Dans la tradition yogique, le souffle est plus qu’un simple échange gazeux : il est le lien entre le corps, le mental et l’énergie vitale (prana).

Observer son souffle, c’est s’observer soi

La pratique du pranayama (maîtrise du souffle) nous apprend à écouter sans intervenir. Avant même de modifier quoi que ce soit, on commence par observer : est-ce que le souffle est court ? Saccadé ? Bloqué ? Est-il plus présent dans la poitrine ou dans le ventre ? Est-ce que j’ai tendance à le retenir ?

En prenant le temps de sentir cela, sans chercher à « bien respirer », on entre déjà dans une posture d’introspection. On laisse le souffle nous parler. Et peu à peu, on découvre qu’il reflète notre état intérieur — parfois bien mieux que nos pensées.

🧘‍♂️ Méditation : L’observation pure

Assis face à soi-même

La méditation est probablement la forme la plus directe de cette observation sans jugement. Pas de posture complexe, pas de mouvement. Juste être là, avec ce qui est. Et ce qui est n’est pas toujours agréable : pensées envahissantes, inconforts corporels, agitation, impatience…

Mais en choisissant de rester, d’observer, nous commençons à déjouer nos conditionnements. Nous cessons de fuir ou de réagir. Nous apprenons à « être avec ».

L’attitude méditative sur le tapis et au quotidien

La méditation n’est pas confinée au coussin. Elle peut — et devrait — infuser toute notre pratique du yoga. Chaque posture, chaque transition, chaque relaxation peut devenir une méditation en mouvement, pour peu qu’elle soit vécue en pleine conscience.

Et hors du tapis ? Le même principe s’applique. Marcher, manger, parler, écouter : tout peut devenir terrain d’observation.

L’enjeu n’est pas de méditer plus longtemps, mais de vivre plus consciemment.

🌀 Pourquoi est-ce si difficile de ne pas juger ?

Parce que notre mental adore classer, comparer, évaluer. Il le fait par habitude, par réflexe de survie. Ce n’est pas une erreur, c’est une stratégie. Mais cette stratégie devient souvent contre-productive : au lieu de nous protéger, elle nous enferme.

Sur le tapis, cela donne des pensées du type :

• « Je devrais faire mieux »

• « J’étais plus souple la semaine dernière »

• « Les autres y arrivent, pas moi »

• « Je suis trop fatigué(e), c’est nul »

Ces jugements, parfois subtils, parfois violents, sapent notre énergie et notre confiance. Pourtant, plus nous les observons sans les nourrir, plus ils perdent de leur pouvoir.

🌕 La pleine conscience comme voie de transformation

Accueillir ce qui est… et voir ce qui change

Observer sans juger ne signifie pas rester passif(ve). Au contraire, c’est une posture active, lucide, courageuse. Elle demande de l’attention, de la patience, et une immense bienveillance.

En pratiquant cette qualité de présence, on découvre que :

• La douleur évolue quand on l’écoute.

• L’émotion s’apaise quand elle est vue.

• Le mental ralentit quand il est reconnu.

Petit à petit, cette posture d’observation transforme notre rapport à nous-mêmes. Elle nous libère du besoin d’être « autrement » pour enfin goûter la paix d’être tel que l’on est.

✨ Pratiquer l’observation sans jugement : Quelques pistes concrètes

Sur le tapis :

• Commencez votre séance par quelques minutes d’écoute du souffle sans le modifier.

• Dans chaque posture, posez la question : « Qu’est-ce que je ressens maintenant ? »

• Si une pensée critique survient, nommez-la : « pensée de jugement », puis revenez à la sensation.

• En relaxation, observez les effets de la pratique sans attente.

Au quotidien :

• Choisissez une activité par jour (manger, marcher, se doucher…) à faire en pleine conscience.

• Prenez une pause de 1 minute chaque heure pour sentir votre respiration.

• Notez chaque soir un moment où vous avez réussi à observer sans réagir.

• Cultivez un journal de gratitude ou d’observation, sans analyse, juste les faits et les ressentis.

🌱 Conclusion : L’art de l’instant

« Observer sans juger » est bien plus qu’un slogan. C’est une voie. Une discipline intérieure. Une forme de tendresse envers soi-même. Sur le tapis, cette posture change la manière dont on pratique. Dans la vie, elle change la manière dont on se perçoit — et donc dont on vit.

Le yoga nous enseigne à habiter notre corps, notre souffle, notre esprit avec présence. Mais cette présence n’a de sens que si elle est accompagnée de douceur.

Parce que ce n’est qu’en accueillant tout ce que nous sommes… que nous pouvons vraiment nous transformer.

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Namaste,

Laetitia